Considérons tout d’abord la restauration gastronomique dite « de luxe ». Si la restauration rapide et la restauration étrangère ne parviennent pas à déstabiliser la restauration de luxe française c’est avant tout parce qu’elle ne représente pas une concurrence pour cette dernière. Nous avons vu par exemple dans la première partie que la restauration de luxe étrangère (et notamment la japonaise) était jugée trop chère par rapport à sa juste valeur, son patrimoine gastronomique n’étant pas assez développé face à celui de la France, réputé dans le monde entier depuis plusieurs siècles (plus de 7000 recettes répertoriées dans Le répertoire de la cuisine de Gringoire et Saulnier). En fait la gastronomie française résiste à la cuisine étrangère sous quelque forme que ce soit, de la même manière qu’elle résiste à la crise économique des années 2000. En effet, les crises économiques peuvent avoir un effet positif et la tempête financière actuelle aidera la vraie gastronomie explique François Simon, critique gastronomique au quotidien le Figaro. Aussi, selon plusieurs chefs et gestionnaires de restaurants interrogés par l’AFP , « on entend parler de la crise à toutes les tables » mais pour l’instant elle n’a pas d’impact sur la fréquentation des grands restaurants. « Il n’y a aucun signe de chute » affirme Franka Holtman, directrice générale du palace parisien Le Meurice, qui abrite un restaurant « trois étoiles ». Il en d’ailleurs de même pour les restaurants grand luxe étrangers : on se bouscule toujours chez Gordon Ramsay à Londres, le restaurant d’Heston Blumenthal, le Fat Duk, qui se situe dans le Berkshire en Angleterre, affiche complet durant de longs mois durant. Quand à Jean-Georges, il se porte bien. L’un des « trois étoiles » de Manhattan, voit l’ensemble de ses tables réservées chaque jour de tourmente à Wall Streeet. Pour l’historien Alain Drouard, spécialiste dans les questions gastronomiques, il n’y a rien d’étonnant à cela puisque « la gastronomie a changé de statut, c’est devenu une industrie de luxe » et non plus un artisanat. Ainsi, comme toute industrie, elle a apposé ses propres marques, comme la marque « Ducasse », du nom du célèbre chef Alain Ducasse qui gère maintenant, non pas une cuisine, mais un empire gastronomique que l’on retrouve à Londres comme à Tokyo. De ce fait, l’industrie du luxe se porte à merveille en période de crise comme l’affirme M Drouard.
Quoiqu’en disent certains chefs pessimistes qui insistent sur le fait que la grande gastronomie va perdre de la vitesse à cause de la crise à l’image de Marc Veyrat : « Il ne faut pas rêver, ça va devenir difficile. On n’est pas dans une bulle, on vit aussi dans le système économique » ; la crise pourrait donc se révéler vraiment bénéfique pour la gastronomie. Selon François Simon, cette dernière peut souffrir des mêmes maux que la haute finance mais bénéficie également de l’argent d’entreprises qui dépensent des fortunes à offrir des repas « trois étoiles » à des personnes non expertes en la matière : « C’est un univers de représentation, une fiction totale » affirme t-il. Toujours selon lui, « nous allons revenir à la vraie gastronomie, avec le retour des chefs. Les chefs feront des dîners plus chers pour des gens très riches (…) La gastronomie sera sauve ».
Nous voyons donc que la grande gastronomie française n’est pas réellement concurrencée par les restaurants exotiques et les fast-food étrangers de plus en plus nombreux en France. La clientèle sera toujours la même : les gens les plus riches. Ceux-là seront toujours clients des grands restaurants français et ce ne sont pas les restaurants de luxe étrangers comme les restaurants japonais qui rafleront leur clientèle. Les restaurants français de luxe sont trop réputés à travers le monde et depuis trop longtemps. Les restaurants gastronomiques de luxe résisteront de ce fait de la même manière qu’ils résisteront à la crise : comme ils ne sont pas touchés par la crise comme nous l’avons vu précédemment, ils ne seront pas plus touchés par l’émergence de nouveaux types de restaurants.
Considérons maintenant la restauration rapide française semblable aux fast-food américains. Maintenant que le tour du sandwich et du hamburger a été fait, les chaînes de restauration rapide françaises cherchent comme leur concurrents étrangers à diversifier l’offre tout en baissant les prix. Dans un contexte de récession économique, les ménages choisissent massivement les établissements où l’adition est la plus basse. De ce fait, les statistiques restent très favorables aux leaders du marché comme Quick, Brioche Dorée et Paul (chaînes de sandwicheries et fast-food français), même si 71% des repas pris en dehors du domicile coûtent moins de 10 euros TTC, boissons comprises. Mais même si les consommateurs choisissent ces restaurants rapides classiques pour se restaurer, la restauration rapide française doit véritablement diversifier son offre pour lutter contre les grandes enseignes américaines. Ainsi, de nouvelles chaînes apparaissent comme Mezzo Di Pasta et Francesca, spécialisées dans les pâtes. Selon Bernard Bouthoul, directeur du cabinet Gira Conseil, ces enseignes ont, « si elle savent se débrouiller, de très beaux jours devant elles » du fait de leur originalité et de leur inventivité dans le type de plats qu’elles ont choisi de servir. Leur principe se veut ludique : les pâtes sont préparées à la demande, accompagnées de sauces au choix parmi une dizaine de propositions, et dont les prix varient entre 1,50 et 6 euros pour les recettes les plus sophistiquées. Prêtes à être emportées dans des boîtes en carton plastifié ou à être consommées sur place, elles sont également considérées comme un plat plus sain que les pizzas ou les hamburgers. « Ce concept plaît beaucoup aux femmes » souligne Carine Ledoux, responsable marketing et communication chez Viagio, une des enseignes de fast-food de pâtes. La vigilance reste néanmoins légèrement de mise pour M Bouthoul : « Le mono-produit n’est pas un franc-succès en France (notamment dans les campagnes, chose que nous verrons plus loin), il est important que ces établissements diversifient progressivement leur offre pour fidéliser les clients ».
Les grandes surfaces l’ont bien compris (qu’il fallait à tout prix fidéliser le client). Monoprix, avec son Daily Monop’ propose une gamme de produits en self-service, donc encore plus rapide, avec une adition de 9 euros en moyenne et déjà sept magasins indépendants. La direction avait l’intention de développer ce mode de distribution dans tout l’Hexagone. La concurrence suit : Franprix a lancé le nouveau concept du frais and fresh, des produits moyens de gamme avec la possibilité de les réchauffer sur place.
De plus, une dernière tendance se développe, celle du fast-food chic, qui redore le blason d’un genre jusque là boudé par les gourmets. . Ceux qui, comme Exki (une enseigne de fast-foods bios), vantent les mérites du "naturel et sain, sans additifs" sont en forte progression. Pour Laurent Khane, directeur général d'Exki, "l'équilibre alimentaire des recettes en général, et non seulement sur quelques produits comme dans les fast-foods traditionnels, représente un avantage". Et ce malgré des prix sensiblement plus élevés que ceux de McDonald's (le ticket moyen est à 12 euros sur place). Mais "ces établissements visent une clientèle aisée, urbaine, un microcosme pour l'instant, bien qu'ils soient sous le feux des projecteurs", rappelle Bernard Boutboul. Même si « la restauration rapide haut de gamme est encore marginale, et ne vise pas la même clientèle que celle des leaders de la restauration rapide, elle est fondamentale car elle influence le marché ». Lorsque des chefs étoilés au guide Michelin, comme Paul Bocuse, se lancent dans le « toasté de jambon cuit au torchon et son comté AOC », « un tabou disparaît : la restauration rapide n'est plus le pendant négatif de la tradition. Les Américains ont les yeux rivés sur le territoire français : le pays de la gastronomie est en train de réinventer la restauration rapide par le haut... La France fait un pas qui est vraiment unique », veut croire Bernard Boutboul.
Ni le bio, ni la haute gastronomie ne semblent cependant en mesure d'inquiéter le célèbre M jaune. Le chiffre d'affaire des enseignes émergentes reste encore bien en dessous de celui des leaders du marché. McDonald's, dont la stratégie de développement s'adapte petit à petit à la concurrence, a réalisé en 2008 un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards d'euros en France. En hausse de plus de 11 % par rapport à l'année précédente. Des chiffres qui devraient encore progresser en 2009, où la firme prévoyait la création de 30 nouveaux restaurants.
La gastronomie française haut de gamme, plus que jamais en haut de l’échelle de la gastronomie de luxe internationale (en particulier depuis son admission au patrimoine mondial de l’Unesco en Novembre 2010) et l’innovation dont fait preuve la restauration rapide française pour fidéliser son client permettent à ces deux secteurs de la restauration française de concurrencé très efficacement la restauration étrangère en général et de rester prisé par les français (et par les consommateurs étrangers pour les restaurants de luxe).
Nous allons voir maintenant comment la restauration traditionnelle française se débrouille face à la tendance exotique qui se développe depuis les années 1980 en analysant auparavant un tableau permettant de comparer de comparer le taux de croissance annuel de l’activité de la restauration traditionnelle et rapide en France de la moitié des années 1990 à 2004.
1995 | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | |
Taux de croissance annuel de l'activité en volume (%) | 11,4 | 1,8 | -0,5 | 1,1 | -1,5 | |
---|---|---|---|---|---|---|
Emploi salarié | 283.556 | 363.122 | 382.203 | 399.319 | 412.906 | 423.022 |
Restauration traditionnelle | 221.289 | 271.758 | 283.249 | 294.083 | 303.562 | 310.262 |
Restauration rapide | 62.267 | 91.364 | 98.954 | 105.236 | 109.344 | 112.760 |
Part des emplois à temps partiel (%) | 38,9 | 42,4 | 42,5 | 43,0 | 41,3 | nd |
Restauration traditionnelle | 33,3 | 33,9 | 35,8 | 35,8 | 33,9 | nd |
Restauration rapide | 65,0 | 64,8 | 64,8 | 65,5 | 63,7 | nd |
Nombre d'heures salariées (en millions) | 469,1 | 569,2 | 594,5 | 595,3 | 599,3 | nd |
Restauration traditionnelle | 395,8 | 460,8 | 478,8 | 473,6 | 472,4 | nd |
Restauration rapide | 73,3 | 108,4 | 115,7 | 121,6 | 126,9 | nd |
TPE : Epreuves anticipées 2011
Rédaction : Cassany Samuel, Montangon Manon, Henry Sacha
Création du site web et compléments : Seguin Sébastien
Lycée Max Linder, Libourne
Site optimisé pour Opera 11 et Mozilla Firefox 3.6